TRAVAIL ET BIEN ETRE PSYCHOLOGIQUE : AU-DELA DE L’ETUDE, QUELLE SOLUTION ?

Suite à la montée des pathologies professionnelles et des risques psychosociaux ces dernières années, une enquête sur les relations entre le bien être psychologique et les conditions de travail a été réalisée en 2016 et a permis de répondre à plusieurs interrogations, et parmi lesquelles : 

–        Comment le travail peut-il contribuer au bien-être psychologique des personnes ?

–        Quels sont les conditions de travail et les facteurs psychosociaux, de risque ou d’épanouissement, qui jouent le plus?

–        Pour quels métiers le travail impacte-t-il le plus le bien-être, en positif ou en négatif?

 

Les données obtenues ont fait l’objet d’une étude, dont le rapport vient d’être publié par la DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques)[1] en mars dernier. 

 

  • Tout d’abord, qu’est-ce que les risques psychosociaux ?

Les risques psychosociaux au travail peuvent être définis comme « les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ».

Afin de comprendre ces risques psychosociaux, l’étude qui a été menée, s’est intéressée notamment à la contribution du travail au bien-être individuel, en fonction des différentes catégories d’actifs en emploi, ainsi qu’au bien-être psychologique selon les situations de travail (capacités, indicateurs des conditions de travail).

 

  • Le travail peut-il contribuer au bien-être individuel ?

Le bien-être psychologique individuel a été évalué à partir d’un indicateur, appelé « Le Score Who-5 » qui a été calculé à partir de caractéristiques personnelles (sexe, âge, catégorie d’emploi…) et de 9 indicateurs des conditions de travail, répartis entre des facteurs négatifs – « les expositions » (Exposition au bruit ; Difficulté de conciliation vie privée et vie professionnelle ; Intensité du travail ; Conflits éthiques ; Demande émotionnelle ; Insécurité de la situation de travail)et des facteurs positifs – « les ressources «  (Autonomie, soutien social et la reconnaissance).

Il ressort de cette étude, plusieurs éléments intéressants. Il apparait que le sexe, l’âge, la composition familiale et les catégories professionnelles ont une influence sur le bien-être psychologique. A contrario, le revenu individuel n’influence pas significativement le bien-être psychologique.

Ainsi, à titre d’exemples :

–        Le bien-être des agriculteurs et des ouvriers est plutôt affecté négativement par le travail (insécurité socio-économique moins de soutien social), au contraire de   celui   des   cadres (plus forte autonomie et plus forte reconnaissance) ;

–        Le   travail   apparaît   moins   souvent   favorable au   bien-être psychologique pour les femmes, surtout du fait de leur plus grande exposition à la demande émotionnelle, de leur faible autonomie, et de leur faible soutien social.

–        Les personnes en couple ou ayant des enfants à charge expriment un bien-être psychologique moins élevé que les personnes ayant eu des problèmes personnels dans l’enfance ou dans le passé récent.

–        Les conditions de travail des fonctionnaires, surtout dans la Fonction publique hospitalière, sont moins favorables au bien-être psychologique que celles des salariés du secteur concurrentiel (problèmes de conciliation entre vies personnelle et professionnelle, une forte intensité du travail, des conflits éthiques et une demande émotionnelle importante et, enfin, un soutien social plus faible que pour l’ensemble des salariés.)

 

 

  • Qu’en est-il du bien-être psychologique selon les situations de travail ?

Ici, le bien-être psychologique a été évalué selon deux approches :

–        La première est fondée sur les capacités nécessaires au bien-être, c’est-à-dire sur le ressenti des travailleurs concernant leurs possibilités d’épanouissements dans leur travail.

Les résultats obtenus ont permis de distinguer cinq profils :

les satisfaits (41%) souvent les cadres, et le plus souvent les hommes
les empêchés (17%) ceux qui n’éprouvent pas de fierté au travail et rarement un sentiment d’utilité dans leur travail
les invisibles (19%) ceux qui ont le sentiment d’un travail utile mais qui n’ont pas de possibilité de développer leur compétence et subissent un manque de reconnaissance
les insécurisés (15%) inquiets pour leur emploi à court terme
les mécontents (8%) Ceux qui sont souvent exposés à des mauvaises conditions de travail physiques, organisationnelles et psychosociales

 

–        La seconde est fondée sur la typologie des situations de travail et sur les facteurs psychosociaux de risque auxquels les personnes se déclarent exposées.

Les résultats obtenus permettent de distinguer six profils :

les confortables (33%) ceux qui sont épargnés par la plupart des risques professionnels comme les seniors, salariés qualifiés, autoentrepreneur
les stressés et empêchés (15%) ceux qui ont un travail intense, des ressources en autonomie, soutien social et ont de la reconnaissance mais qui ont des conflits éthiques
les précaires laborieux (15%) ceux qui sont soumis à de nombreuses contraintes physiques
les accablés (14%) ceux qui cumulent l’ensemble des risques organisationnels et psychosociaux
les isolés (11%) ceux qui manquent de soutien social et de reconnaissance
les passifs (11%) qui ont un manque d’autonomie, de soutien social et de reconnaissance et ont un travail peu intense

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La conclusion de cette étude démontre que le travail pourrait contribuer à construire la santé mentale pour environ deux actifs sur cinq, à la dégrader pour deux actifs sur cinq, et serait relativement neutre sur le bien-être d’un actif sur cinq.

De plus, un actif sur dix environ, et notamment dans les professions comme celles de caissières, cuisiniers, infirmières, aides-soignantes, se trouve dans une situation de travail très délétère pour leur santé, avec un cumul d’expositions de tous ordres, physiques, organisationnel et psychosociales, et un bien-être psychologique fortement dégradé.

 

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Cette étude permet, certes, de mettre en exergue les métiers où les risques psychosociaux sont les plus élevés, mais il n’en demeure pas moins regrettable qu’aucune proposition d’amélioration n’ait été proposée pour remédier à ces situations.

Des actions de prévention (entretiens, formation..) pour prévenir ces risques pourraient être mis en place dans les entreprises où les risques psychosociaux sont le plus important : entreprises de l’hôtellerie et de la restauration, du bâtiment, ou de gardiennage et de sécurité.

 

[1] « Travail & bien être psychologique », Mars 2018, Apport de l’enquête CT – RPS 2016.

 

Amélie ENGELDINGER 
Avocate

Droit Social Paris – Bordeaux

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