VERS UNE RECONNAISSANCE DU STATUT DE SALARIÉ AUX CHAUFFEURS UBER ?

Dans un arrêt du 10 janvier 2019, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la requalification en contrat de travail, de la relation contractuelle entre un chauffeur VTC et la société UBER.

 

Cet arrêt intervient dans un contexte particulier.

En effet, au mois de novembre dernier, la Cour de cassation s’était déjà prononcée sur l’existence d’une relation de travail entre un livreur utilisant les plateformes web et la société Take it easy, et avait retenu que :

« Viole l’article L.8221-6, II du code du travail la cour d’appel qui retient qu’un coursier ne justifie pas d’un contrat de travail le liant à une société utilisant une plate-forme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant sous le statut de travailleur indépendant des livraisons de repas, alors qu’il résulte de ses constatations que l’application était dotée d’un système de géo-localisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier. » (Soc. 28 novembre 2018, n°17-20.079)

 

Qu’en est-il s’agissant de la société UBER ?

La société UBER conclut des partenariats commerciaux avec des chauffeurs indépendants ou des sociétés de transports qui travaillent avec des chauffeurs.

Les partenaires se connectent à une plateforme en ligne d’intermédiation de transport destinée à mettre en relation des professionnels indépendants fournissant une prestation de transport et des utilisateurs souhaitant en bénéficier.

En l’espèce, un chauffeur VTC avait rejoint les services UBER en octobre 2016. Puis en raison de différents manquements de ce chauffeur avait mis fin à leur partenariat.

Le chauffeur VTC avait alors saisi le Conseil de prud’hommes de Paris afin de voir reconnaitre l’existence d’un contrat de travail et obtenir la condamnation de la société à lui verser diverses indemnités.

Si le Conseil de prud’hommes de Paris s’est déclaré incompétent considérant que le contrat était de nature commercial, la Cour d’appel de Paris a, quant à elle, retenu la compétence du juge prud’homal en considérant qu’il s’agissait bien d’un contrat de travail.

 

Une position indiquée par l’appartenance à un service organisé

Pour rappel, quelques notions de base sur l’existence d’un contrat de travail :

–        Elle ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ;

–        Elle nécessite un lien de subordination, lequel est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. (Soc. 13 novembre 1996, n° 94-13.187) 

Dans le cas d’UBER, la Cour d’appel a retenu que le lien de subordination était caractérisé dans la mesure où :

–        Lorsqu’un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par la société UBER, laquelle lui donne des directives, en contrôle l’exécution et exerce, le cas échéant, un pouvoir de sanction à son encontre ;

 

–        En l’espèce, le chauffeur exerçait sa prestation de service sous un contrat de licence VTC qu’il louait à la société Hinter France, partenaire de la société Uber BV, et qu’il n’avait pas la possibilité d’exercer en parallèle une activité indépendante.

Pour la Cour d’appel, il existe un faisceau d’indice suffisant pour retenir l’existence d’un contrat de travail.

Qu’en est-il en Europe ?

En 2017, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE), saisie par l’Espagne afin de se positionner sur cette question de la nature de l’activité de la plateforme numérique de travail Uber, avait retenu que :

« Le fournisseur de ce service d’intermédiation crée en même temps une offre de services de transport urbain, qu’il rend accessible notamment par des outils informatiques, tels que l’application en cause au principal, et dont il organise le fonctionnement général en faveur des personnes désireuses de recourir à cette offre aux fins d’un déplacement urbain. […] Ce service d’intermédiation doit donc être considéré comme faisant partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service de transport. » (CJUE, 20 décembre 2017, aff. C-434/15).

Suite à cette décision, l’Espagne avait retenu que la relation contractuelle entre un chauffeur VTC utilisant la plateforme numérique UBER et la société UBER devait être qualifiée en contrat de travail.

La société UBER ayant formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, il appartiendra à la Cour de Cassation de trancher la question dans les prochains mois.

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