La Cour de Cassation jugeait de manière constante que certains manquements de l’employeur causaient nécessairement un préjudice au salarié pour lesquels ce dernier était donc en droit d’obtenir réparation sans avoir à en faire la preuve formelle.
Le montant de l’indemnisation alloué à ce titre était souverainement apprécié par le juge dans la limite du maximum légal équivalent à un mois de salaire.
Réservée au départ au non respect de la procédure de licenciement et l’indemnisation allouée à ce titre limitée aux salariés ayant moins de 2 ans d’ancienneté ou appartenant à une entreprise occupant moins de 11 salariés, cette solution a par la suite été étendue à de nombreux autres manquements de l’employeur, dont notamment, comme dans le cas d’espèce, à la remise tardive ou au défaut de remise de bulletins de paie ou des documents de fin de contrat au salarié.
Par un arrêt récent en date du 13 avril 2016, la Chambre sociale de la Cour de cassation revient sur sa jurisprudence constante et exclue toute « présomption » de préjudice quelque soit le manquement commis par l’employeur.
Au visa de l’article 1147 du Code civil la Chambre sociale juge désormais :
« Que l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ; que le conseil de prud’hommes, qui a constaté que le salarié n’apportait aucun élément pour justifier le préjudice allégué, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».
Renouant ainsi avec les règles de la responsabilité civile, la Chambre sociale exige dorénavant du salarié qui se prévaut d’un manquement de l’employeur et en réclame réparation d’apporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.
Rendu en matière de remise tardive des documents sociaux, il y a tout lieu de croire, compte tenu de la formulation générale utilisée par la chambre sociale dans cet arrêt, que cette solution s’appliquera à n’importe quel manquement de l’employeur (non respect procédure de licenciement, défaut ou retard dans l’organisation de la visite médicale d’embauche, défaut de réponse ou réponse tardive à une demande du salarié sur les critères retenus pour établir l’ordre des licenciements pour motif économique, stipulation d’une clause de concurrence nulle dans le contrat de travail…)
Cass. Soc. 13-4-2016 n°14-28.293
Caravage Avocats, Cabinet spécialisé Droit Social