RESTREINDRE L’EXPRESSION DES CONVICTIONS DES SALARIES DANS LE REGLEMENT INTERIEUR : C’EST POSSIBLE !

L’INSCRIPTION DANS LE REGLEMENT INTERIEUR DU PRINCIPE DE NEUTRALITE RELATIF A L’EXPRESSION DES CONVICTIONS DES SALARIES A DESORMAIS UNE BASE LEGALE

L’article L.1321-2 du Code du travail relatif au règlement intérieur est complété par un article L.1321-2-1 ainsi rédigé :

« Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».

En d’autres termes, le règlement intérieur peut imposer aux salariés des restrictions à la manifestation de leurs convictions, notamment religieuses ou politiques, sous réserve des deux conditions cumulatives suivantes :

> à  que ces restrictions soient justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise

> à  qu’elles soient proportionnées au but recherché.

Toutefois cette nouvelle disposition légale, issue de la loi 2016-1088 du 8 août 2016 dite « loi El Khomri »,  n’est pas une réelle nouveauté mais remet sur le devant de la scène un sujet devenu brulant suite aux attentats perpétrés en France.

Elle ne fait que consacrer les principes dégagés par la Cour de cassation depuis 2014 dans l’affaire « Baby- Loup », en leur donnant une base légale.

Dans cet arrêt la Cour de cassation avait validé le licenciement d’une salariée d’une crèche privée qui avait refusé de retirer son voile malgré l’obligation de neutralité prévue par le règlement intérieur de l’établissement.

Les juges avaient alors considéré que la restriction ainsi posée était légitime car suffisamment précise et justifiée par le contact de cette salariée avec de jeunes enfants au sein d’une structure de petite taille. (Cass. Ass. Plén. 25/6/2014 n°13-2836)

On trouvait déjà dans cet arrêt les deux conditions cumulatives de justification et de proportionnalité désormais, entérinées par la loi.

Est-ce à dire que tout employeur pourra inscrire, par principe, le principe de neutralité dans son règlement intérieur et ainsi restreindre la manifestation des convictions de ses salariés ?

La réponse est négative. Bien au contraire, avant d’envisager la mise en place de telles mesures, un employeur devra se demander si les répercussions sur son activité de la manifestation des convictions de ses salariés, en raison notamment de la réaction de ses clients, justifient qu’il y soit apportées des restrictions.

 

Mélanie Conoir – Avocat au Barreau de Paris

www.caravage-avocats.com

Droits du travail – droit social

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