Durée du renouvellement de la période d’essai : dispositions légales ou conventionnelles ?

  • Pour rappel, la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail avait été l’occasion de légiférer sur la durée de la période d’essai. Les dispositions afférentes ont été codifiées aux articles L. 1221-19 à 1221-26 du Code du travail.

 

  • Depuis, la durée de la période d’essai (hors renouvellement) ne peut être supérieure aux durées suivantes (art. L. 1221-19 du Code du travail) :

1° Pour les ouvriers et les employés, de deux mois ;

2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens, de trois mois ;

3° Pour les cadres, de quatre mois.

Le renouvellement de la période d’essai, possible une seule fois, ne peut porter la durée totale de la période d’essai (renouvellement compris) au-delà des durées suivantes (art. L. 1221-21 du Code du travail) :

1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;

2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;

3° Huit mois pour les cadres.

 

  • Conformément aux dispositions légales, les durées susvisées ont un caractère impératif sauf si (art. L. 1221-22 du Code du travail) :

–        la convention collective applicable fixe une durée plus longue et à condition que ladite convention ait été conclue avant la date de publication de la loi du 25 juin 2008 ;

–        la convention collective applicable fixe une durée plus courte et à condition que ladite convention ait été conclue après la date de publication de la loi du 25 juin 2008 ;

–        le contrat de travail ou la lettre d’engagement fixe une durée plus  courte.

Parmi ces trois exceptions au caractère impératif de la durée légale de la période d’essai,  il faut retenir principalement que la durée de la période d’essai peut être plus longue que la durée légale si une convention collective conclue avant la date de la publication de la loi du 25 juin 2008 le permet.

 

  • Un doute pouvait toutefois subsister quant à la durée du renouvellement de la période d’essai. Si la convention collective applicable prévoyait, pour un salarié statut cadre par exemple, un renouvellement d’une durée de trois mois, le contrat de travail pouvait-il stipuler, sur le fondement des dispositions légales (art. L. 1221-1 du Code du travail), un renouvellement pour une durée de 4 mois ?

A cet égard, il n’était pas rare de rencontrer des contrats de travail prévoyant, pour un cadre, une période d’essai de 4 mois renouvelable pour 3 mois. Il n’était pas rare également de lire, dans la littérature spécialisée, qu’il était préférable, pour la durée du renouvellement, de retenir la durée fixée par la convention collective dès lors qu’elle était inférieure à la durée légale, cette position semblant, compte tenu de la situation du marché de l’emploi depuis de nombreuses années, plus favorable au salarié conforté plus tôt comme n’étant plus en période d’essai. Telle était d’ailleurs la position de la Direction générale du Travail dans une circulaire du 17 mars 2009.

 

  • La Cour de cassation a levé toute ambiguïté à ce sujet dans un arrêt du 31 mars 2016.

Le cas d’espèce concernait la convention collective nationale des Bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 (et donc conclue avant la date de publication de la loi du 25 juin 2008), dite « convention SYNTEC ».

Pour rappel, la convention SYNTEC prévoit, pour les cadres, une période d’essai de trois mois qui peut être prolongée pour une même durée (art. 7), soit une durée total de six mois quand  la loi permet, pour un cadre, une durée totale de huit mois.

Conformément à ce qui a été exposé précédemment,  la loi du 25 juin 2008 a permis à l’employeur de stipuler au contrat de travail une période d’essai  (hors renouvellement) plus longue, à savoir d’une durée de quatre mois au lieu de trois.

Qu’en était-il de la durée du renouvellement ? L’employeur pouvait-il prévoir un renouvellement pour une durée de quatre mois, conformément aux dispositions légales (art. L. 1221-1 du Code du travail), ou devait-il se limiter à la durée prévue par la convention SYNTEC, à savoir trois mois, en application d’une forme de principe « du plus favorable »[1] à l’égard du salarié, lequel était conforté plus tôt dans le temps quant à la poursuite de la relation contractuelle ?

En l’espèce, l’employeur avait mis fin au contrat de travail dans le huitième mois de la période d’essai, à quelques jours de son terme.

Le salarié avait agi en justice pour faire valoir que conformément aux dispositions de la convention SYNTEC, la période d’essai ne pouvait être renouvelée que pour un maximum de trois mois et non de quatre, de sorte que la période d’essai avait en réalité déjà expiré lorsque l’employeur avait cru y mettre fin. Aussi, la rupture du contrat de travail aurait dû intervenir dans le respect de la procédure de licenciement applicable[2].

La cour d’appel d’Aix en Provence avait accueilli la demande du salarié, jugeant que la durée du renouvellement devait être celle arrêtée par la convention SYNTEC.

La Cour de cassation a cassé sur ce point la décision intervenue et a retenu que les dispositions légales (art. L. 1221-19 et L. 1221-21 du Code du travail) sur la durée initiale et de renouvellement de la période d’essai s’étaient substituées aux dispositions de la convention SYNTEC sur la période d’essai, ladite convention ayant été conclue antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008.

Par conséquent, la Cour de cassation lève tout doute concernant la durée du renouvellement de la période d’essai en cas de non-concordance entre les dispositions légales et les dispositions conventionnelles, en appliquant le jeu de l’article L. 1221-22 du Code du travail (relatif au caractère impératif des durées légales de la période d’essai) également à l’hypothèse du renouvellement.

En l’espèce, la convention SYNTEC prévoyant une durée de renouvellement plus courte que la durée légale et ayant été conclue avant la date de publication de la loi du 25 juin 2008, la durée légale — de caractère impératif — du renouvellement devait s’appliquer.

 

  • En toute hypothèse, le présent article est l’occasion de rappeler qu’il ne peut y avoir renouvellement de la période d’essai :

–         que si la possibilité du renouvellement est prévue par la convention collective applicable et stipulée par le contrat de travail ;

–        que si toutes les parties au contrat de travail donnent leur accord exprès au renouvellement de la période d’essai ; une partie ne peut imposer unilatéralement le renouvellement de la période d’essai. A cet égard, l’attention doit être particulièrement appelée sur les précautions à prendre par l’employeur quant à la preuve de l’accord donné par le salarié au renouvellement de la période d’essai ; elle ne peut résulter de la seule signature du document informant du renouvellement de la période d’essai. A titre d’exemple, le salarié doit avoir écrit de sa propre main « par la signature des présentes, j’acquiesce au renouvellement de la période d’essai ».

Soc. 31 mars 2016, n° 14-29184

[1] Naturellement, la question de savoir à qui profite une période d’essai plus courte est fonction de la situation du marché de l’emploi, d’une part, du secteur dans lequel exerce le salarié et de sa capacité d’employabilité, d’autre part. D’une façon générale, compte tenu de l’état du marché de l’emploi actuel (depuis plusieurs années) et des conséquences d’une situation de période d’essai pour le salarié (à titre d’exemple, pour contracter un prêt ou un bail locatif), l’on peut considérer qu’une durée plus courte de la période d’essai profite, le plus souvent, au salarié.

[2] Pour rappel, l’enjeu était le suivant : la condamnation de l’employeur au paiement d’une indemnité pour irrégularité de la procédure, d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

 

Caravage Avocats, Cabinet spécialisé Droit Social

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