En raison d’un manque cruel de moyens et de l’engorgement des conseils de prud’hommes (en fonction des régions et des villes), la procédure se révèle souvent excessivement longue.
Les premiers à en pâtir sont les justiciables.
Après une audience de conciliation, un premier bureau de jugement, et, s’il a lieu, un départage, l’attente peut varier entre deux et trois ans de procédure (en cas de départage). Et ce, sans compter un possible appel. Dans le cadre d’une procédure pour licenciement abusif, harcèlement, ou encore en paiement de salaires impayés, ce délai nuit au salarié demandeur.
Qu’est ce qu’un « délai déraisonnable » ?
La Cour Européenne des Droits de l’Homme rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie aux regards des critères dégagés dans sa jurisprudence, en particulier « la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé ». (CEDH, Frydlender c. France [GC], 27 juin 2000, n°30979/96)
Avec l’influence grandissante du droit de l’Union Européenne sur notre droit, la Cour de Cassation utilise ce faisceau d’indice pour exercer un contrôle in concreto sur le caractère raisonnable de la durée de procédure. (Cass, Soc., 22 mars 2005 n°03-10.355).
Que faire lorsque le délai est déraisonnable ?
Lorsque le justiciable considère qu’il a subi un préjudice dû au délai déraisonnable de la procédure, celui-ci peut saisir le tribunal de grande instance pour demander réparation sur le fondement de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme relative au droit au procès équitable et l’article L.141-1 du Code de l’organisation judiciaire qui prévoit que « L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »
C’est en ce sens, qu’une audience s’est tenue devant le Tribunal de Grande Instance de Paris le 10 février 2016, suite à l’assignation par plus de 200 plaignants avec le soutien du Syndicat des Avocats de France, pour demander réparation à l’Etat, du préjudice subi du fait du délai déraisonnable lors de leur procédure. Combien de temps a duré la procédure dans ce contentieux ?
Ce n’est pas la première fois que l’Etat est assigné dans le cadre des délais excessifs de procédure devant les tribunaux prud’homaux. Par une série de 16 jugements en date du 18 janvier 2012, l’Etat avait été contraint de payer des dommages et intérêts entre 1 500 et 8 500 € aux salariés concernés (TGI Paris, 18 janvier 2012, n°11/02512). En l’espèce, le jugement de départage avait été obtenu après plus de trois ans de procédure. Il avait été jugé qu’ « il résulte du devoir de l’Etat de mettre à disposition des juridictions les moyens nécessaires à assurer le service de la justice dans des délais raisonnables et le délai critiqué résulte manifestement du manque de moyen alloués à la juridiction prud’homale »
La réforme prochaine sur le droit du travail permettra peut être à l’Etat de mettre à disposition des tribunaux prud’homaux les moyens nécessaires pour éviter ce type de contentieux.